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Le PCC, une hydre à 70 millions de têtes ?

Otto Kölbl

Dans nos médias, le parti communiste chinois (PCC) est souvent décrit comme un être monolithique (et parfois incapable d'évoluer), avec ses émotions et ses angoisses. Personne ne semble être capable de considérer ce parti comme ce qu'il est: une organisation faites de dizaines de millions d'êtres humains qui ont tous leurs propres idées, leurs propres émotions et leur propre vision de l'avenir du pays et du monde.

Session plénière de l'Assemblée nationale chinoise, qui est devenue une sorte de symbole de l'emprise du Parti communiste. Photo: npc.gov, Wang Xinqing.

Session plénière de l'Assemblée nationale chinoise, qui est devenue une sorte de symbole de l'emprise du Parti communiste. Photo: npc.gov, Wang Xinqing.

En particulier, une organisation ne peut pas avoir de "peur existentielle". Pourtant, une telle émotion est souvent attribuée au PCC, par exemple quand il s'agit d'envisager des réformes politiques. Ceci est sans doute une source d'erreur importante dans toute réflexion sur l'avenir de la Chine.

Le discours actuel des médias occidentaux consiste à dire que toute réforme politique sérieuse est impossible  en China car elle impliquerait une remise en question du monopole du pouvoir du PCC et par là une sorte de "suicide collectif". Or, cette hypothèse ne résiste pas à une analyse rationnelle.

En ex-URSS, le régime communiste s'est écroulé non pas après une période de développement et de croissance économiques perçus comme positive par une grande majorité de la population, mais après une période de stagnation économique et de fossilisation des structures. Pourtant, après les réformes, pour ainsi dire tous les leaders démocratiquement élus des états successeurs de l'ex-URSS étaient d'anciens membres de haut rang du parti communiste.

Si le parti communiste chinois venait à s'écrouler, il y aurait peut-être certains leaders actuels qui, par manque de popularité, devraient accepter une dégradation de leur position dans la hiérarchie, voire une mise à la retraite anticipée. D'un autre côté, au moins autant de membres pourraient espérer une carrière plus rapide que ce que leur permettrait le système actuel.

Bien souvent, on accuse aussi les membres du parti de s'enrichir en profitant du monopole du pouvoir du PCC, et on fait entendre que le temps de l'argent facile serait fini en cas de réelles réformes. Ceci est également difficile à justifier au vu de l'expérience soviétique. Il n'y a rien de tel qu'un écroulement d'un système communiste pour s'enrichir. Dans le cas de l'ex-RDA ce sont les industriels et banquiers occidentaux qui se sont enrichis, dans le cas de la Russie ce sont les oligarques nationaux. Il ne fait aucun doute à mes yeux qu'en cas d'écroulement du système communiste en Chine, les Chinois feraient le nécessaire pour que les richesses nationales ne partent pas à l'étranger. Ce seraient donc bien les cadres actuels qui partiraient à la pêche au gros en eaux troubles.

Il faut aussi relativiser l'effet terrifiant de cette "hydre" sur la population en général. Il faut bien plus qu'un PCC pour terroriser 1.3 Milliards de Chinois. Si un jour plus que la moitié des Chinois en auront assez du monopole du régime communiste, ils le balayeront du revers de la main; ils n'auront même pas besoin de notre aide pour cela.

Cependant, tant que le PCC et le pays sous son administration se développe dans la direction qu'ils souhaitent, ils vont réfléchir à deux fois avant de vouloir l'abattre pour un avenir incertain. J'ai discuté ces dernières années avec de nombreux Chinois sur l'avenir politique de la Chine. Parmi eux, il y avait des membres du parti, mais aussi des personnes extrêmement critiques envers le régime actuel au point de souhaiter sa disparition le plus vite possible.

Il y avait cependant surtout une grande majorité de personnes qui étaient certes critiques envers le PCC, mais qui n'étaient pas en faveur d'un renversement immédiat du régime. Ils sont souvent tout aussi critique des motivations des médias occidentaux que du PCC. Beaucoup d'entre eux ont l'impression que l'Occident voit d'un mauvais œil l'émergence de la Chine comme grande puissance économique et ferait tout pour y mettre fin, en tentant de répéter l'expérience soviétique.

Ceci ne veut pas dire que cette (probable) majorité parmi la population considère que le PCC doit garder éternellement le monopole du pouvoir. Pour ainsi dire tout le monde en Chine est d'accord que le régime actuel doit être progressivement plus soumis au contrôle démocratique. Dans un premier temps, ceci se fera probablement dans le cadre du régime actuel.

Cependant, même des personnes qui font partie du régime commencent à évoquer la possibilité à moyen terme que la scène politique se libéralise au point d'accepter une démocratie multiparti. Cette discussion est menée de manière ouverte en Chine, surtout parmi les étudiants et les universitaires, mais aussi par des milieux plus proches du régime.

En niant ce phénomène et en s'accrochant à leurs scénarios hollywoodiens, nos médias passent à côté d'un développement important et se discréditent auprès de l'opinion publique chinoise. Il n'est pas question de leur demander de "ne rien faire". Cependant, toute influence positive sur l'évolution de la Chine passe d'abord par une information rigoureuse sur les derniers développements en Chine, et pour cela, il est indispensable que les correspondants de nos médias en Chine nouent une relation de confiance avec la population, et qu'ils apprennent à les prendre au sérieux. Ces dernières années, nos médias ont malheureusement tout fait pour torpiller ce rapport essentiel.

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